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Ce
petit livre, fort bien écrit, doit peut-être s’apprécier, comme disent les gens
instruits, « à plusieurs niveaux ».
Il se
présente d’abord comme un roman d’aventure, l’autobiographie d’un simple
soldat. Il nous permet de constater que le romancier, quand il est historien,
peut faire plus que l’historien, qui n’a pas le droit de devenir romancier. En
effet, ce récit plonge le lecteur dans un monde très exotique. Imaginer un
Italien qui entre dans la légion et qui découvre l’Iran en 54 av. J.-C.,
c’était et c’est une invitation au voyage extraordinaire. Pour une époque qui
ignorait la télévision, la radio, les journaux, et surtout l’informatique, le
dépaysement était total. Et il le reste.
C’est
ensuite, malgré son petit format, un livre de culture ; Patrick Gofman a
lu les bons auteurs, surtout Plutarque, qui appartient à notre héritage et à
notre littérature grâce à la traduction d’Amyot. Le grec (classique) et le
français étant les deux plus belles langues élaborées par des humains, l’auteur
s’est fait doublement plaisir, en lisant du grec et en écrivant du français. Il
plonge le lecteur dans l’Antiquité romaine, là où se trouve une partie de
« nos racines » (Ah ! S’il vous plaît, ne dites pas à mes
ennemis que je crois à « nos racines » : ils trouveraient là une
autre occasion de me faire des misères). Le récit retrace, à travers la vie
quotidienne d’un homme simple, des événements grandioses et qui appartiennent à
une histoire que l’on croit connaître, et qu’il faut redécouvrir. On y croise
notamment, et surtout, un Spartacus qui parle mal le latin et un Crassus qui se
surestime (les politiciens de l’Antiquité étaient moins proches de la
perfection que les nôtres).
Il semblerait
enfin qu’on retrouve dans cet écrit quelques critiques du XXIe
siècle : les riches exploiteraient les pauvres, la mondialisation
ruinerait encore plus ceux qui étaient déjà ruinés ; et les « jeux du
cirque » seraient censés détourner les malheureux de leurs malheurs. De
notre temps, ces spectacles ont été remplacés par la télévision et le football.
Spartacus a cédé sa place à des personnages aussi célèbres aujourd’hui qu’ils
seront oubliés demain. Et pourtant, le gladiateur et Crassus ont acquis sur les
sportifs, les chanteurs éphémères et tous les amuseurs d’aujourd’hui une
célébrité qu’ils n’ont jamais perdue : ils sont immortels (de vrais
immortels, eux).
Et pour
conclure, il ne me reste qu’à vous adresser le souhait de nos ancêtres, VTERE
FELIX, dont voici une traduction un peu libre : « Lis et
jouis ».
Yann Le Bohec, professeur émérite à Paris-Sorbonne, est notamment directeur de "The Encyclopedia of the Roman Army".
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