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mercredi 6 juillet 2016

Préface du Pr Y. Le Bohec (Sorbonne)

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Ce petit livre, fort bien écrit, doit peut-être s’apprécier, comme disent les gens instruits, « à plusieurs niveaux ».

Il se présente d’abord comme un roman d’aventure, l’autobiographie d’un simple soldat. Il nous permet de constater que le romancier, quand il est historien, peut faire plus que l’historien, qui n’a pas le droit de devenir romancier. En effet, ce récit plonge le lecteur dans un monde très exotique. Imaginer un Italien qui entre dans la légion et qui découvre l’Iran en 54 av. J.-C., c’était et c’est une invitation au voyage extraordinaire. Pour une époque qui ignorait la télévision, la radio, les journaux, et surtout l’informatique, le dépaysement était total. Et il le reste.

C’est ensuite, malgré son petit format, un livre de culture ; Patrick Gofman a lu les bons auteurs, surtout Plutarque, qui appartient à notre héritage et à notre littérature grâce à la traduction d’Amyot. Le grec (classique) et le français étant les deux plus belles langues élaborées par des humains, l’auteur s’est fait doublement plaisir, en lisant du grec et en écrivant du français. Il plonge le lecteur dans l’Antiquité romaine, là où se trouve une partie de « nos racines » (Ah ! S’il vous plaît, ne dites pas à mes ennemis que je crois à « nos racines » : ils trouveraient là une autre occasion de me faire des misères). Le récit retrace, à travers la vie quotidienne d’un homme simple, des événements grandioses et qui appartiennent à une histoire que l’on croit connaître, et qu’il faut redécouvrir. On y croise notamment, et surtout, un Spartacus qui parle mal le latin et un Crassus qui se surestime (les politiciens de l’Antiquité étaient moins proches de la perfection que les nôtres).
Il semblerait enfin qu’on retrouve dans cet écrit quelques critiques du XXIe siècle : les riches exploiteraient les pauvres, la mondialisation ruinerait encore plus ceux qui étaient déjà ruinés ; et les « jeux du cirque » seraient censés détourner les malheureux de leurs malheurs. De notre temps, ces spectacles ont été remplacés par la télévision et le football. Spartacus a cédé sa place à des personnages aussi célèbres aujourd’hui qu’ils seront oubliés demain. Et pourtant, le gladiateur et Crassus ont acquis sur les sportifs, les chanteurs éphémères et tous les amuseurs d’aujourd’hui une célébrité qu’ils n’ont jamais perdue : ils sont immortels (de vrais immortels, eux).
La fin du récit … Ah non, il faut vous en laisser la surprise ; elle n’est pas banale.
Et pour conclure, il ne me reste qu’à vous adresser le souhait de nos ancêtres, VTERE FELIX, dont voici une traduction un peu libre : « Lis et jouis ».

 Yann Le Bohec, professeur émérite à Paris-Sorbonne, est notamment directeur de "The Encyclopedia of the Roman Army".

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