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vendredi 30 décembre 2016

Merci au quotidien "L'Opinion" (27 déc.16)



Comment mieux finir l’année qu’en lisant Gilbert Keith Chesterton ? On n’arrête plus ces derniers mois de redécouvrir l’œuvre inclassable de ce touche-à-tout génial, tout à la fois romancier, auteur de récits policiers, essayiste, polémiste, humoriste, poète et infatigable pourvoyeur de bons mots, maximes et aphorismes.
François Rivière a comblé l’an dernier une lacune de la littérature critique en français avec sa belle biographie, Le divin Chesterton,accessible à tous les publics ; dans un registre plus savant, le philosophe Wojtek Golonka a fait paraître au printemps un Portrait philosophiquede haute volée, où il décrypte les influences profondes de la pensée chestertonienne. Quant aux livres de l’intéressé, ils continuent de traverser la Manche dans le désordre ou d’être réédités régulièrement, comme en témoignent la reprise l’an dernier de Magie et La Sphère et la croix chez Rivages ou celle de L’homme à la clé d’or (son autobiographie) aux Belles Lettres.
Deux nouveautés s’ajoutent aujourd’hui à cette liste : Le Puits et les bas-fonds, un recueil inédit de 1935 où Chesterton, comme à son habitude, reprend ses articles publiés dans la presse au cours de l’année précédente ; et Saint-François d’Assise, une petite biographie du fondateur de l’ordre des frères mineurs, parue en 1923, traduite presque aussitôt chez Plon par Isabelle Rivière (la sœur d’Alain-Fournier) et aujourd’hui rééditée par les éditions Le Bruit du Temps, à qui l’on devait déjà la traduction de Robert Browing.
Bien que très différents, ces deux livres ont un sujet en commun : le catholicisme, dont on sait la place qu’il a occupée dans la vie de l’écrivain. Saint-François a été écrit juste après sa conversion, en 1922 ; les articles du Puits et les bas-fonds sont en partie consacrés au catholicisme romain (le puits, the well) et à la critique du puritanisme anglican (les bas-fonds, the shallows). On peut donc lire ces livres dans la continuité de La Chose, le recueil de 1929 sur la religion, traduit l’an dernier chez Climats, même s’ils vont bien au-delà des seules questions théologiques.
Plus qu’un livre religieux, Saint-François est un essai poétique, une méditation sur l’esprit de camaraderie, le dépouillement matériel et « la langue des troubadours » ; quant aux articles du Puits et les bas-fonds, ils balayent tous les problèmes des années 1930, résonnant même avec les problèmes de nos années 2010, qu’il s’agisse d’économie, d’évolution des mœurs et des comportements, de délitement des démocraties ou de crise européenne. Leur lecture suppose parfois quelques efforts, à cause des références de Chesterton à des événements oubliés (à cause, aussi, de son ton désinvolte et elliptique), mais on ne cesse de glaner dans ces pages des intuitions fulgurantes, des façons de penser décoiffantes (les fameux « paradoxes »), pour dépasser les évidences et pulvériser le prêt-à-penser.
Chesterton, mort il y a 80 ans, est l’auteur le plus vivant de 2017. Bonne année, Mr Chesterton !
Le puits et les bas-fonds (traduit par Patrick Gofman, Desclée de Brouwer, 360 p., 22 €), et Saint-François d’Assise (traduit par Isabelle Rivière, Le Bruit du Temps, 230 p., 14 €) de G.K. Chesterton.

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