Ci-dessous, il y a près de 30 ans, un des multiples avertissements que j'ai donnés à la direction du Parti socialiste en décomposition, en accord avec la Section socialiste des Écrivains. Nous redoublions ces mises en garde quand nous recevions les rares visites de dirigeants. Et je vois encore les regards de haine et de mépris dont me foudroyèrent Jack Lang, Erik Orsenna, Cambadélis, et quelques autres naufrageurs pleins aux as… Qui m'encouragèrent ainsi à poursuivre ma translation de gauche à droite !
Retour du Zénith de Paris (1988)
Démocratie dans le Parti. Sur ce sujet, la Section
des Écrivains du Parti socialiste* est contrainte, depuis quelques mois, de
débattre en son sein, et elle a dû communiquer plusieurs observations, écrites
et/ou orales, aux directions fédérale et nationale.
À mon tour, je dois rapporter à mes camarades de
section, aux secrétaires fédéral et national, que la démocratie n'était pas à
son zénith le 29 février [1988, spectacle électoral "Avec François
Mitterrand"], mais bien en route pour La Villette**.
L'invitation de 2e classe permettait de
piétiner dans la boue, sous un vent glacial, quarante-cinq minutes après
l'ouverture des portes du Zénith. On entendait dans la foule : « J'ai fait cinq cents
kilomètres ! » Ou bien : « Trente
ans de militantisme ! » Le service d'ordre ne risquait pas d'en
être ému : il était constitué de cogneurs professionnels, la plupart
portant des "rangers" à lacets rouges, signe de ralliement d'une
catégorie de voyous qui se dit rouge et "bastonne" les porteurs de
lacets blancs ou noirs.
L'invitation de 1re classe s'obtenait en
déballant une carte de presse, ou je ne sais quoi d'autre. On entrait immédiatement.
Et on rencontrait au bar un responsable fédéral qui gémissait : « Toujours les mêmes conneries !
Il y a 18 000 invitations dans la nature pour 6 000 places !
Alors forcément on doit refouler ces pauvres gens… »
Une heure après le début du spectacle, je siégeais
au milieu d'un carré de 10 x 10 places vides (en haut, à l'avant, à droite). Je
voyais le même vide en face.
Ainsi les militants, ceux qui paient et ne sont pas
payés, sont-ils refoulés des organes de direction (notre motion), des débats
fédéraux (nos rapports), des décisions de campagne (trois dirigeants disposent
souverainement de millions de francs pour des affiches affligeantes). Voici
maintenant les militants refoulés des meetings ! Et par des services
d'ordre mercenaires !
D'où viennent ces méthodes ?
Quelle est leur nature sociale ?
Où mènent-elles le Parti ?
Patrick Gofman, 2 mars 1988
*Portée sur les fonts baptismaux
par François Mitterrand, fréquentée par plusieurs dizaines de vedettes des
belles-lettres et aussi d'intellos précaires (comme moi-même, membre du
Bureau), elle a totalement disparu au début des années 1990. Le texte ci-dessus
montre en partie combien elle était encombrante… Et comment le PS a perdu sa
base militante. Les "militants socialistes" dont parlent encore les
médias fallacieux ne sont plus que des permanents et des employés municipaux.
Payés, pas militants.
**Longtemps synonyme d'abattoir
(immense, bétonné à grands frais par le gaullisme d'affaires puis démoli et
remplacé par le musée des Sciences et la salle de spectacles "Le
Zénith").
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