Jeanne
“Jeanne aux yeux pervenche” (Aragon),
vivante “au cœur des vivants” (Malraux).
« Elle est passée ici, avant de faire étape là-bas », me dit simplement Alain, l’écrivain local, en montrant le droit chemin à flanc de colline où nous nous baguenaudons, puis Clairvaux, à une lieue environ.
Il ne m’en faut pas plus pour me voir distinctement en 1429, vieux soudard du dernier rang, délicieusement engueulé par la Pucelle ; ainsi que le raconte Jean, duc d’Alençon : « Jeanne se courrouçait très fort quand elle entendait les soldats jurer, et les grondait beaucoup, et moi aussi, qui jurais de temps à autre. Quand je la voyais, je refrénais mes jurons. » (1)
Mais qui n’engueule-t-elle pas ? Au roi d’Angleterre et à ses gens, elle écrit le 22 mars 1429 : « …allez-vous en en votre pays, de par Dieu. Et si ainsi ne le faites, attendez les nouvelles de la Pucelle qui vous ira voir brièvement, à vos bien grands dommages… » (1)
Brièvement… « Je durerai un an, guère plus », a prédit exactement la prodigieuse fille. Foudroyante, elle délivre Orléans, vainc à Patay, conduit Charles VII pour son sacre à Reims, en pleine zone occupée, renverse le cours de la guerre de Cent Ans !
Elle tente de réconcilier le roi de France avec le duc de Bourgogne : « Pardonnez l’un à l’autre de bon cœur, entièrement, ainsi que doivent faire loyaux chrétiens ; et s’il vous plaît à guerroyer, si allez sur les Sarrasins… » (1)
Délaissée par un prince cauteleux et ingrat, elle échoue devant Paris, acquis à l’occupant. Des collabos la capturent à Compiègne et la vendent – 10 000 livres tournois – aux Anglais, qui « conçurent une vaste opération politique. Il fallait discréditer, à travers Jeanne, le dauphin Charles, petit roi pour rire. Il fallait le désacraliser. On réunit, sous la bannière anglaise, le ban et l’arrière-ban de l’Eglise et de l’Université. On fit à Jeanne un procès en sorcellerie. On choisit des juges français. On assura une large publicité des débats. Les meilleurs esprits de la théologie universitaire se rendirent à Rouen pour la condamner. Elle y fut brûlée vive, le 30 mai 1431. Comme une sorcière. » (2)
Il fut des siècles entiers pour oublier la Sainte de la Patrie. Puis il y eut l’an 40 pour (se) la rappeler, tel le national-communiste Aragon, car
Il est un temps pour la souffrance
Quand Jeanne vint à Vaucouleurs
Ah coupez en morceaux la France
Le jour avait cette pâleur
Je reste roi de mes douleurs.
1.- Régine Pernoud et Marie-Véronique Clin, “Jeanne d’Arc”, Fayard 1986.
2.- Pierre Miquel, “Histoire de la France”, Fayard 1984.
Extrait du "Dictionnaire des Emmerdeuses", à paraître mi-avril 2012. COMMANDEZ tout de suite en cliquant sur l'image plus haut dans la colonne de droite —>
ha! ça oui ! elle n'aurait pas tort de "délicieusement [vous] engueul[er]", notre petite Jeannette ! C'est chose très abjecte de jurer ! et j'esp... que dis-je, nous espérons bien, que cela ne vous arrive... jamais !(hum!) Et, on ne fume pas au combat !et on ne regarde pas les ribaudes dévétues ! allons du cran !on surmonte ses tentations quand on est un homme ! un soldat ! un petit verre d'alcool avant de guerroyer, ça fait du bien !
RépondreSupprimerMais ce passage dans votre "Dictionnaire des Emmerdeuses", C'est un bouquet de lys sur un tas de fumier (la pucelle au milieux de ces odures de bonnes femmes !) ?
Un prince cauteleux et ingrat, vendue, jugée et brûlée par des hommes...
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