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jeudi 2 septembre 2010

Débats d’une section du PS, début janvier 1990

LE SECRÉTAIRE DE SECTION, tapant des deux poings sur la table : Je suis excédé, totalement excédé par ces missives à l’en-tête de l’Assemblée nationale ! J’en reçois plusieurs par jour. “Contributions” illisibles et toutes identiques, en vue du Congrès de Rennes… Je ne les lis plus. Je les jette.
Concert de malédictions contre le combat des chefs sans principes.


LA FÉMINISTE DÉGOURDIE, coulant un regard énamouré vers le Personnage Célèbre : Pas d’accord. Moi je les trouve très excitantes, ces contributions au débat. Nous avons un véritable débat. Passionnant.

LE PERSONNAGE CÉLÈBRE, se ruant sur la brèche ainsi lubrifiée, avec une jovialité un peu forcée : Mais oui ! Vous me faites rire ! Est-ce que vous préfériez les trois motions incompatibles du Congrès d’Épinay, dont on a fini par faire une salade ? Combat des chefs ? Et alors ? Il faut bien des chefs.

La Féministe Dégourdie reçoit sa récompense : sur la manchette du “Monde”, elle inscrit sous la dictée le vrai nom du Personnage Célèbre, avec ses deux numéros de téléphone.

L’EX-PERMANENT ÉRUDIT : Si vous voulez bien excuser mon retard, je vais vous expliquer la nature profonde de cette section. Longtemps nous eûmes les Optimistes contre les Pessimistes. Aujourd’hui les Quatre Cultures de notre Parti se dessinent mieux…

LE PERSONNAGE CÉLÈBRE, dans un terrible effort de jovialité : Oh oui ! Oh oui ! De quelle Culture je suis, moi ?

L’EX-PERMANENT ÉRUDIT, flatté : …Eh bien, nous avons d’abord les Catholiques de Gauche. Ensuite les autres Chrétiens, mais toujours de Gauche…

LE TRÉSORIER HUGUENOT : Merci, merci !

L’EX-PERMANENT ÉRUDIT : …Et puis les Marxistes.

LE TRÉSORIER HUGUENOT, avec un clin d’¦il sarcastique vers le Quadragénaire Caractériel : Ben, et les Trotskistes, alors ?

L’EX-PERMANENT ÉRUDIT, consterné : Mais enfin, jusqu’à preuve du contraire, les Trotskistes sont des Marxistes ! Quatrième Culture, enfin, les Sociaux-Démocrates de stricte obédience. Bon, maintenant, je vais vous expliquer la Roumanie. Antonescu, voyez-vous, rime bien avec Ceaucescu, et…

LE TRÉSORIER HUGUENOT : Hem ! Auparavant, si tu permets, l’Envoyé du Secrétariat National va répondre à nos questions.

L’ENVOYÉ DU SECRÉTARIAT NATIONAL : Ça va pas mal, mais ça pourrait aller mieux. Et quant à certaines questions, vous n’avez qu’à les poser au gouvernement.

LA VIEILLE GLOIRE, franchissant la porte d’un pas mal assuré : Ah ! Mais la réunion est commencée !

LE TRÉSORIER HUGUENOT, avec une déférente ironie : Depuis 70 minutes, chère amie.

LA VIEILLE GLOIRE : Ça ne fait rien. Imaginez-vous que j’ai reçu une lettre de compliments de l’Élysée. Car au cours du Colloque de la Carte Électorale, j’ai dit leur fait aux petits technocrates qui nous insultaient avec leur marketingue politique. On m’a acclamée ! Et voici la lettre, lisez, ce n’est pas un canular. Il y a deux lignes très flatteuses pour moi, et cet en-tête : “Hervé Legros-Malin, Chargé de Mission auprès du Président”…

LE TRÉSORIER HUGUENOT : Bon, il est temps de conclure. J’espère que vous avez enfin compris le rôle important et positif de notre Section, véritable Chambre de Réflexion. Et que vous serez aussi nombreux la prochaine fois…

LA DAME RICHE : Tu te fous de nous ? Le Parti se moque toujours de nos réflexions…

LA VIEILLE GLOIRE : …Et la Fédération nous ignore !

LE TRÉSORIER HUGUENOT : Ahem ! Bon, euh, attendez, ne partez pas. Je viens de recevoir une pétition très bien qui circule en RDA. C’est pour la démocratie…

Brouhaha. Raclements de chaises. Le Muet et la Muette font le ménage du local.

L’EXPERT VÉHÉMENT, à qui veut l’entendre : Ah la la ! Heureusement qu’à droite ils sont encore plus cons que les nôtres. C’est comme ça qu’on garde le pouvoir. On devrait leur payer une montre en or…

LE QUADRAGÉNAIRE CARACTÉRIEL, lâchant enfin la bonde à sa rage : Mais on leur paie, mon cher, ne t’inquiète pas ! Notre “bureau d’études” Urba Gracco vient de balancer 60 000 F à Guéna, RPR. C’est dans “Le Canard enchaîné”. Vois plutôt.

LE TRÉSORIER HUGUENOT : Cher Quadragénaire Caractériel, puis-je me permettre de t’inviter à dîner ?

LE QUADRAGÉNAIRE CARACTÉRIEL : Impossible, je n’ai pas un sou sur moi.

 Patrick Gofman

2 commentaires:

  1. excellent !!! du pro !!!

    "veni, vidi,...[desperavi]"

    ...

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  2. Comme la photo est bien trouvée !!!

    1990 (plus entre 85 et 89) ha! le temps où j'arrachais les affiches de toute la clique gauchiste, (bref de tout ce qui n'était pas FN).en cours, une amie me proposa un cutter en riant
    "tiens ça pourrait te servir!"
    "???"
    "on t'as vu, pendant l'heure du repas, arracher les affiches !"(et si vous, Patrick, m'aviez vu ?... mais vous n'auriez pas fait mal à une mouche,cher "coeur-de-Cuir" !)
    et où j'écrivais sur les murs des "vive la France" et "vive le roi", et "vive Le Pen" !et balançait des kilos de tracts dans le boîtes aux lettres.
    Comme je ne craignais pas de m'afficher (autocollant sur mes dossiers...), un jour, un camarade de classe me salua "Bonjour Jean-Marie"... celui là était bon enfant ! pas comme cet autre qui me sortait quelques sympathies du genre : "j'vais t'prendre dans un coin d'rue et je vais te briser la tête, t'écraser jusqu'au sang..."(bbbrrrrrrr) Celui là devait être un gauchiste pur et dur ! quoique, j'avais une "kamarade" complètement coco (étant à la JOC . j'n'ai jamais compris un tel paradoxe !) ( et pourtant elle m'aimait bien! mais je n'aimait pas l'entendre parler de Jean-Marie Le pen. ça faisait mal. ce n'était pas son genre. Elle était d'une naïveté !!! (pire que moi ! C'est pas peu dire !) J'avais beau argumenter- ça venait du coeur et du bon sens- car nullissime en politique- il n'y avait rien à faire. Elle, en assez grande difficulté scolaire, me donnait des arguments de choc ! Vous, Patrick, comprendrez beaucoup mieux que moi pourquoi !
    Et dire que tout cela c'était pendant que vous... enfin vous comprenez ! (Mais enfin, que diable alliez vous faire dans cette monstrueuse galère ?)et mon père qui me faisait haïr tout ce qui était stalinien, marxiste, trotskiste, soixante-huitard...

    et maintenant ?

    Non, il y en aurait eu un seul que je n'aurais pas haï ! mais quelle tristesse...

    et maintenant...

    "il y a plus de joie dans le Ciel pour un seul pêcheur pénitent que pour 99 justes qui n'ont pas besoin de repentance." St Luc 15,7.

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